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Une chronique très personnelle, à l’occasion de la journée de lutte contre les homophobies.

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Le texte de la chronique :

Aujourd’hui, je vous préviens, ça va pas être drôle. Nope. Et on va, techniquement, assez peu parler de cul. Désolé.

Depuis que j’ai commencé ces chroniques à la radio, et surtout depuis que je les ai adaptées en vidéos sur YouTube, il y a une critique qui revient régulièrement et qui commence à me tanner le cul :

Non mais Pouhiou, pourquoi tu tiens à parler de sexe devant tout le monde ? C’est quelque chose d’intime, de personnel… c’est ta vie privée. Ça te plairait que des enfants tombent là dessus et que ça leur pervertise l’esprit… ? Je sais pas, Pouhiou, aie un peu de pudeur, à la fin !

Non.
Non je n’écouterai pas la pudeur. Et si des enfants, des jeunes ou d’autres m’entendent et que je participe à changer un tant soit peu les mentalités… ben merci. Parce que le silence tue.

Gamin, ma grande sœur a eu la fantaisie de me peindre les ongles. J’avais 4-5 ans, je trouvais ça drôle, coloré, je faisais un des rares trucs d’adulte qui semblait rigolo. Et quand on a montré ça à des adultes -les collègues de mes parents je crois… leur lèvres se sont pincées. Ils ont crispé leur mâchoire pour garder le silence. Ce jour-là, cette innocente fantaisie est morte à l’intérieur de moi.
Parce que le silence tue.

Au CE1, y’avait un grand qui me traitait de pédé avec un dégoût perçant dans son regard. Alors pour me défendre, je jouais la folle hors de sa cage et répondais « oh oui Renatooo ! » dans ma plus belle imitation de Zaza Napoli. Et ça me tuait de surjouer cette caricature qui ne me ressemblait pas, mais… Zaza était le seul homosexuel que je connaissais, j’avais pas d’autre choix. Aucun autre gay n’aurait dit qu’il l’était devant moi, enfant. Alors moi je m’éteignais à chaque imitation, à chaque récré.
Parce que le silence tue.

Ado, je n’avais pas de désir… Non, c’est du bullshit. En fait je n’arrêtais pas. De me branler, de penser à des femmes, des hommes, des fantasmes oppressants de culpabilité… Parce qu’on n’en parlait pas vraiment. Dès qu’il y avait une scène de sexe à la télé, quelqu’un sortait un « oh là là » goguenard et faussement indigné, et on riait. Puis on se taisait. Alors j’ai tu cette part de moi. Je me suis séparé en deux. Le pouhiou du jour, un ado à lunettes souriant, lisse et asexué ; et le Pouhiou de la nuit, une boule d’hormones, un sale pervers, un malade, un mister Hyde explosant dans sa cocotte minute. Personne d’autre ne me parlait de ses désirs… alors c’était forcément moi le problème, le monstre.
Parce que le silence tue.

Au lycée, je ne jouais pas au foot. Je ne perpétuais pas cette image de la virilité où le mec est une énorme paire de couilles avec une grosse voix par-dessus. J’avais peur que l’on voie mon secret. Que j’étais sale, que sous les douches à l’internat, j’avais envie de regarder. Les brutes sentaient ma peur, ils y jetaient des boulettes de papier et crachaient sur ce visage angoissé. Devant les autres qui se taisaient. Personne ne leur disait d’arrêter, personne me disait que je n’avais rien à craindre de moi. Alors le soir, au chambranle de la fenêtre du troisième étage, je me suspendais. J’espérais que mes doigts lâchent. Chaque fois un peu plus, je mourrais.
Parce que le silence tue.

Quand les trois caïds du bout de la rue ont frappé, c’était à la mâchoire. Pour fermer ma gueule de post-étudiant qui a osé dire : oui, j’aime ça me faire sodomiser. Oui, j’aime sucer des bites mais non, pas la tienne elle me fait pité. Les coups de pieds au ventre pleuvaient pour étouffer ma respiration qui disait non, je ne changerai pas de rue, je vis dans ce quartier. Non, je ne baisserai pas la tête et ne cesserai pas d’exister, de dire, de parler.
Parce que le silence tue.

Alors voilà, j’ouvre ma gueule. Je parle parce que ça libère les caïds d’une ignorance si oppressante qu’ils se mettent à frapper. Je parle pour montrer aux brutes qu’elles peuvent abandonner ce personnage étouffant dans lequel on les a enfermés. Parler pour accepter en soi le monstre qu’on aurait créé. Parler pour montrer à chacun que tu n’es pas seul, que d’autres comme toi peuvent exister. Parler pour que vibre devant nos yeux tous nos possibles, tous nos modèles dans leur éclatante diversité.

Et ce soir c’est à vous. A vous de parler. Que ce soit votre peur de la mort, votre amour de la paresse ou votre passion pour les aisselles, prenez le temps de dire ce qu’on ne dit jamais. Sur vos réseaux sociaux, avec votre famille ou devant un café, parlez.

Dire qu’il est un devoir de se taire, c’est nous coller la mort au cul. Et moi je veux pas, je l’aime mon cul. Et ce pour une bonne raison : mon cul, c’est du Pouhiou.

 

Crédits et Licences

Un épisode chaque vendredi sur deux à 18h. Pour ne pas en louper un, pense à t’abonner.

Une vidéo réalisée et montée par DanyCaligula.

Avec l’aide et les apports de Éric Cavanhac, Noëlle Ballestrero, Marlène Tajan, Muriel Cavanahac-Viguié, Damien Conatus et Victor Toulouse.
Musique de fond: Drops of H2O CC-BY J.Lang.
Musique générique : LAL Eugène Lawn avec la voix de Dusport.
Dessins : CC-0 Antoine Presles.

Cette vidéo est placée dans le domaine public vivant grâce à la licence CC-0.
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